Synopsis
Kamiura, chef yakuza respecté, est en réalité un vampire. Durant une rixe, il est battu à mort, et a juste le temps de mordre Kageyama, sa plus fidèle recrue. Ce dernier va contaminer à son tour d’autres mafieux et venger son ancien maître.
Critique
La projection d’un long métrage de Takashi Miike est toujours un événement car les festivals sont bien souvent les seuls endroits où l’on peut découvrir et savourer les oeuvres du réalisateur japonais. Les distributeurs français sont en effet bien trop frileux à l’égard d’une filmographie qui ne s’inscrit dans aucune case marketing. Hormis certains films plus conventionnels, tels que 13 assassins ou Hara-Kiri : mort d’un samuraï, les distributeurs ont tendance à bouder les réalisations les plus loufoques et déconcertantes du réalisateur. De leur côté, les fans du Miike de la première heure pouvaient parfois se sentir quelque peu délaissés par ses derniers films qui, bénéficiant d’un budget plus conséquent, donnaient l’impression d’un assagissement artistique. Entre l’épopée samuraï, les adaptations de mangas (As The Gods Will, The Mole Song : Undercover Agent Keiji) et les films de fantômes (Over Your Dead body), l’esprit iconoclaste du réalisateur d’IchiThe Killer et Visitor Q semblaient parfois céder aux sirènes du marketing (les adaptations de mangas étant particulièrement populaires en ce moment). Avec Yakuza Apocalypse, Miike prouve une fois encore que sa maîtrise technique et visuelle n’est pas synonyme d’assagissement et qu’il est encore en mesure de nous offrir des oeuvres totalement barrées et jouissives.
Soyons clairs, Yakuza Apocalypse ne fera très certainement pas date dans la filmographie de Miike, mais le film possède suffisamment de charme et de qualités pour en faire un spectacle cinématographique réjouissant. On retrouve notamment l’essence même des films de Miike, à savoir une oeuvre où les nombreux défauts sont compensés et éclipsés par des moments de fulgurance et de folie jubilatoire.
L’histoire de Yakuza Apocalypse tient en quelques ligne et réunit tous les ingrédients Miikesque : des yakuzas, de la baston, et en bonus, des vampires ! Le jeune Kagayama est fasciné par un chef yakuza respecté, du nom de Kamiura, et devient rapidement son bras droit. Très apprécié par les “citoyens” qu’il protège, Kamiura est en fait un vampire qui se nourrit du sang “peu nutritif” des yakuzas. Lorsque son ancienne organisation lui demande de revenir, Kamiura décline la proposition et est exécuté. Avant de succomber, Kamiura mord Kagayama et le convertit en vampire. Le jeune yakuza n’aura alors qu’une seule idée en tête, venger la mort de son maître.
L’objectif de Miike n’est bien entendu pas de revisiter la mythologie du vampire mais de se servir des capacités surhumaines de cette créature de l’ombre pour offrir des combats dantesques. Le réalisateur prend d’ailleurs de nombreuses libertés avec la mythologie du genre puisque ses vampires ne craignent pas la lumière du jour et n’arborent pas des canines saillantes. La figure du vampire sert ici de métaphore pour stigmatiser l’organisation mafieuse souterraine des yakuzas, qui “suce le sang” des citoyens (en les ponctionnant financièrement).
En termes d’action, Miike fait preuve d’une maîtrise bluffante. Les combats, bien que simples dans leur exécution (on est loin des chorégraphies acrobatiques de Ong Bak), sont sublimés par une réalisation sans faille. Les fans des films d’action seront d’ailleurs ravis de retrouver l’acteur Yayan Ruhian, que l’on a pu découvrir dans le rôle de Mad Dog dans Raid 1. Sa maîtrise du Pencak Silat, art martial indonésien, permet de diversifier les combats, généralement réduits à des combats de rue dans les films du réalisateur. Comme l’a parfaitement résumé Rurik Sallé en présentant le film, au bout de 50 long métrages, on finit par savoir en faire un. L’aisance de Miike est désormais telle qu’un simple combat dans une ruelle peut revêtir une dimension épique.
Le film est par ailleurs désopilant, même si tous les gags ne font évidemment pas mouche (il y en a tellement…). Certains resteront d’ailleurs à jamais gravé dans la mémoire du spectateur, comme le personnage de l’homme-grenouille, vêtu d’un costume ridicule, qui n’est autre que le boss final que doit affronter Kagayama. Passé les quelques intermèdes humoristiques et les moments de rire, Miike parvient à rendre crédible et effrayant ce personnage pourtant par définition absurde. Une prouesse qui prouve une fois de plus que le réalisateur est capable de mélanger les genres avec brio (comme dans Over your Dead Body où il excellait dans le mélange des effets suggestifs et gores). Takashi Miike adore déjouer les attentes des spectateurs en prenant le contre-pied des codes du film d’action. Ainsi, au lieu de nous servir un ennemi monstrueux et imposant, il opte pour un homme en costume de grenouille, aussi effrayant que Kermit! De même qu’il décidera de se contenter d’un combat de résistance entre deux hommes qui se frappent au visage en même temps en guise de combat final. On regrettera toutefois l’absence de combats collectifs et dantesques, qu’il avait pu nous servir dans The Mole Song. Dans Yakuza Apocalypse, les combats sont majoritairement des duels car, en fin de compte, le film se rapproche davantage du western que du film d’action (la petite musique digne d’Ennio Moricone qui accompagne le personnage de la grenouille).
Que les fans de Miike se rassurent donc, il est toujours aussi déjanté! Ce dernier n’hésite pas à transgresser toutes les règles et à sombrer dans un humour potache et surréaliste. On aura ainsi droit à une chef yakuza dont le cerveau se liquéfie et jaillit tel un geyser de son oreille, ou encore à un potager qui sert à faire pousser de nouveaux citoyens… Et quand Miike nous dévoile la dernière transformation de son personnage de grenouille, devenu gigantesque et menaçant de destruction la planète, il n’hésite pas à employer des procédés visuels kitschs, dignes de Bioman et de Power Rangers, en nous montrant une maquette cheap où des figurines, faisant office d’humains, se font écrasés par cette peluche gigantesque… Bref, vous l’aurez compris, Yakuza Apocalypse est non seulement indispensable à tout fan de Miike, mais il pourra également contenter tout spectateur désireux de se plonger dans une oeuvre totalement absurde et nonsensique. Une pure folie cinématographique savoureuse, malgré certaines longueurs et des parti pris discutables.
66
10
Note
Informations
Yakuza Apocalypse
Titre original : Gokudô daisenso
Réalisation : Takashi Miike
Scénario : Yoshitaka Yamaguchi
Casting : Yayan Ruhian, Rirî Furankî, Mio Yûki…
Pays d’origine : Japon
Genre : Action
Durée : 125 minutes
Date de sortie : 2016 (VOD)