Synopsis
1630, en Nouvelle-Angleterre. William et Katherine, un couple dévot, s’établit à la limite de la civilisation, menant une vie pieuse avec leurs cinq enfants et cultivant leur lopin de terre au milieu d’une étendue encore sauvage. La mystérieuse disparition de leur nouveau-né et la perte soudaine de leurs récoltes vont rapidement les amener à se dresser les uns contre les autres…
Critique du Druide
En ce début d’année froid et humide, un petit événement a attiré mon attention : The Witch. Inévitablement, les productions traitant de la sorcellerie prennent le risque de se heurter à une population de spectateurs qui estiment être escroqués par un cinéma manquant de vie. Et The Witch ne dérogera pas à la règle. Mais je défends pour ma part ardemment ces productions, tant elles peuvent se targuer d’offrir une âme à un récit. A la façon de Lords of Salem, The Witch travaille la réaction du spectateur en mêlant mysticisme, sobriété et tension charnelle. Il ne s’agit en effet à aucun moment de transmettre la peur par des vulgaires artifices visuels, mais de la laisser s’insinuer lentement, insidieusement à travers chaque pore de notre peau. Et le choix de Robert Eggers de miser sur l’Amérique puritaine participe à enrubanner le scénario dans des considérations religieuses qui, grâce au pitch de l’histoire, flirtent dangereusement avec une psychanalyse teintée d’une paranoïa palpable. L’action se passe en 1630, 60 ans avant l’épisode du procès des sorcières de Salem. Ce récit se joue donc de notre mémoire pour se positionner en préquelle à un des événements les plus marquants de l’histoire de la sorcellerie au travers des âges. Historiquement décalé par rapport au Lords of Salem de Zombie, il en utilise pourtant les même atouts, mettant en avant la féminité et l’ambiguïté d’une relation charnelle et spirituelle avec de sombres forces.
The Witch, en dehors de toute considération scénaristique, se pare d’un plumage chaud et sombre, humide et malsain, qui participe évidemment à alourdir la mise en scène. La bande sonore a également une immense importance dans l’installation de l’atmosphère du film. The Witch est une somme de détails, tous judicieusement choisis, qui ensemble en font un des films de sorcières les plus respectables de ces dernières années. Et même si son homogénéité servira ses détracteurs, Il conviendra de le voir avec les cinq sens, voire même avec le sixième, afin d’en cueillir toutes les subtilités…
Critique de Krueger
Voici l’un des films les plus encensés de l’année. Jouissant d’une très bonne réputation en festivals, de Toronto à Sundance (Prix du meilleur réalisateur à Sundance), The Witch fut le grand oublié du palmarès du dernier Festival de Gerardmer. Il était temps de vous partager notre avis sur ce film tant plébiscité, premier long métrage de Robert Eggers, qui est sorti chez nous le 15 juin. Film à l’ambiance étrange et mystérieuse, The Witch s’avère être l’une des meilleures surprises horrifiques de ces dernières années. Le film nous plonge en 1630, au sein d’une famille ostracisée qui décide de s’installer en pleine nature, mais va être confrontée à de nombreux événements étranges. La méfiance et la paranoïa s’installent progressivement, et les différents membres de la famille finissent par s’accuser à tour de rôle de sorcellerie ou de possession démoniaque. Telle est la grande qualité de The Witch, l’impossibilité de déterminer l’origine du mal. Il s’agit dans un premier temps d’un film purement psychologique qui s’achemine avec subtilité vers un univers fantastique. Certains passages nous offrent des visions terrifiantes, laissant apercevoir des sorcières nues mangeant de la chair. Si la photographie est impeccable, l’aspect le plus marquant du film est son travail sur le son. Dès le début du film, le spectateur est plongé dans une atmosphère anxiogène par le son de violons dissonants ou des chœurs féminins douloureux. The Witch est un film captivant et envoûtant qui tient en haleine jusqu’à la fin malgré un rythme lent et un scénario sibyllin. Le spectateur est emporté au sein de cette paranoïa familiale et est incapable d’anticiper le dénouement ou même de comprendre la situation.
Mais c’est également le symbole que représente la sorcière qui est intéressant dans The Witch. En effet, celle-ci peut se lire comme un symbole d’émancipation et de révolte féminines. C’est le cas du personnage de Thomasin qui subit dans un premier temps l’influence néfaste de son père, cherchant sans cesse à répondre à ses attentes. Tandis que son rapport avec sa mère apparaît plus neutre, détaché, mais parfois empreint de jalousie.
The Witch est une agréable surprise qui a le mérite d’être un film d’auteur à la fois ambitieux, inquiétant et envoûtant, offrant une vision du mythe des sorcières très originale ! Un seul conseil, courez dans les salles le 15 juin !
Critique de Tetsuo
Décidément, ce mois de juin nous aura gâtés. Après l’excellent The Neon Demon, nous avons droit à un autre film de genre de qualité, The Witch de Robert Eggers. Quel plaisir d’avoir l’opportunité de voir ces 2 films au cinéma avant l’arrivée tonitruante de deux blockbusters de genre assommants, The Conjuring 2 et American Nightmare 3 (l’été étant la saison des grosses productions).
The Witch est un tour de force, une oeuvre puissante servie par une photographie magnifique, presque picturale, rappelant le traitement des couleurs et de la lumière d’un tableau de Johannes Vermeer. Et même si la réalisation montre parfois quelques redondances et approximations (l’abus de faux plans fixes et champs contre-champs qui ont tendance à morceler l’action), Robert Eggers fait preuve d’une belle maîtrise pour un premier essai. Certains plans sont somptueux, comme la scène où Caleb succombe dans une frénésie mystique. La photographie réaliste et terne, ainsi que l’ambiance sonore faite de cris et de notes discordantes, instaurent une atmosphère oppressante et crépusculaire.
Robert Eggers revisite le thème de la sorcellerie en dépeignant la ferveur religieuse d’une famille qui la conduira au drame. La suspicion s’installe progressivement entre les différents membres, et la religion, qui étymologiquement unit les hommes, est ici facteur de désunion, chacun projetant ses craintes et fantasmes mystiques sur les différents éléments de son environnement (animal, forêt, cure-dent…). La mécanique narrative n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de The Thing où les différents protagonistes se retournent les uns contre les autres dans la traque d’un ennemi protéiforme. A La différence près que la menace de The Thing est bien réelle alors que celle de The Witch est trouble et insaisissable, échappant ainsi à toute interprétation univoque.
Malgré toutes ces qualités, The Witch pèche par une trop grande sobriété et un classicisme formel. Un film sage qui reste dans la mesure, et qui aurait gagné à développer une approche plus abrupte, notamment dans sa seconde partie. La folie qui emporte les personnages se ressent peu à l’écran, et la tension dramatique reste homogène tout au long du film sans atteindre un crescendo. On préférera donc l’approche plus viscérale de Nicolas Winding Refn. Mais avec The Witch, Robbert Eggers fait un premier pas dans la cour des grands.
7 8 77.3
10
Note du Druide
Note de Krueger
Note de Tetsuo
Informations
The Witch
Titre original : The Witch
Réalisation : Robert Eggers
Scénario : Robert Eggers
Casting : Anya Taylor-Joy, Ralph Ineson, Kate Dickie…
Genre : Film de possession
Durée : 92 minutes
Pays d’origine : Etats-Unis, Royaume-Uni, Canada, Brésil
Date de sortie : 15 juin 2016
1 commentaire
Deux critiques bien écrites, je vais aussi dans ce sens, même si le film serait plus inscrit dans l’épouvante (et encore) que l’horreur. Le manque de frissons m’a chagriné mais le film étant tellement joli, tellement bien écrit et tellement bien joué que les petits défauts s’estompent. Vivement ses prochains projets !