Synopsis
Une série de meurtres sanguinaires et mystérieux perturbent la tranquillité d’un petit village sud-coréen. Un vieil homme japonais s’est installé dans les bois. Cet étranger attise les rumeurs et les superstitions. La police locale tente de résoudre cette affaire mais fait preuve de maladresse et d’incompétence. Certains villageois font appelle à un chaman et croient en l’acte d’un démon. Jong-gu est policier et vit dans le village. Alors qu’il doit travailler sur ce cas, sa famille se retrouve directement menacée. Il croit de plus en plus en une explication surnaturelle et va tenter coûte que coûte de sauver sa fille en proie à un comportement inexpliqué et violent.
Critique
The Strangers est réalisé par le talentueux coréen Na Hong-jin. Auteur des excellents The Chaser et The Murderer, l’homme est l’un des réalisateurs les plus prometteurs de notre époque. Son film frappe une nouvelle fois le Festival de Cannes avec violence, ce qui était déjà le cas pour son premier film The Chaser. Les spectateurs sont saisis par l’univers et reçoivent The Strangers en pleine figure. Pas étonnant me direz-vous ! Depuis quelques années, la Corée du Sud marque avec poigne sa place dans le monde du cinéma. Un cinéma rafraîchissant qui fait souvent preuve d’audace, d’intelligence et de maîtrise technique, ce qui malheureusement se fait de plus en plus rares à Hollywood. Parcourant différents genres tels que le thriller, l’horreur ou le polar, nombres de réalisateurs coréens ont émergé avec panache.
Il suffit de voir la carrière de Kim Jee-woon avec 2 Sœurs, J’ai Rencontré le Diable, Bittersweet Life… Ou bien celle de Kim Ki-duk et ses films d’auteurs poétiques et parfois anxiogènes comme L’Arc, Locataires, Piéta… Et que dire du remarquable Park Chan Wook (Old Boy…), véritable maître du 7ème art, ou encore Bong Joon Ho avec Memories of Murder, The Host ou Snowpiercer.
Avec ses 10 ans de moins, Na Hong-Jin marche t’il sur les traces de ses aînés du cinéma Sud-Coréen ? Une chose est sûre, sa filmographie dépeint un portrait de tous les profils que peut revêtir le Mal et cette thématique atteint son apogée dans ce dernier film The Strangers.
Avec The Strangers, Na Hong-Jin surfe brillamment entre les genres et crée des ruptures de tons étonnantes. Il passe du thriller à la comédie, revient sur le policier, contourne par le fantastique, tout en finissant par l’horreur. On passe du burlesque au tragique en un clin d’œil, un véritable jeu d’équilibriste. Rien de tel qu’un bon personnage suffisamment pataud, attachant et pas très courageux pour servir les différents tons choisis par notre réalisateur. Jong-gu est un policier local et maladroit. Il se retrouve impliqué dans cette enquête car sa famille est menacée par le mal qui sévit dans le village. Poussé par la survie et l’amour qu’il porte à sa fille, Jung-gu va devoir trouver de nombreuses ressources intérieures s’il veut réussir à sauver le village et surtout sa propre famille. Ce personnage en proie aux doutes en permanence est le reflet du spectateur. Dans The Strangers, tout bascule et tangue constamment comme notre morale, nos suspicions, nos croyances, notre raison, etc. Seul l’amour pour sa famille reste le repère pour l’homme, un repère face au danger qui le menace.
Avec une mise en scène maîtrisée, parcourant des courses-poursuites et des danses chamaniques, le réalisateur nous tient parfaitement en haleine. Cette mise en scène subtile laisse place à la complexité des émotions et la psychologie des personnages. Le spectateur est très vite impliqué dans le récit. Les effets de maquillage sur les infectés et les victimes sont superbement travaillés. Ils contribuent fortement à l’atmosphère étouffante du film. Ce caractère anxiogène est entrecoupé de phases de décompression. Les touches d’humour nous servent de soupape face à la tension et au rythme soutenue du film. Prenons l’exemple de cette scène de nuit à la gendarmerie locale où le personnage principal et son collègue doivent veiller.
The strangers se sert d’un fait social pour justifier son récit, la peur de l’étranger. Cette peur va servir de point d’appui au film qui l’exprime explicitement. En effet, le suspect numéro un n’est autre que ce Japonais venu récemment s’installer au village. Les crimes correspondent à son arrivée. Brillamment interprété par Jun Kunimura (Audition, Ichi The Killer, L’attaque des titans…), ce personnage énigmatique semble subir les foudres des habitants et va tout d’abord nous apparaître comme victime. Bien que le spectateur est, lui aussi, en proie au doute. Rappelons que Jung-gu est interprété par l’excellent Kwak Do-Won (Mother, The Man From Nowhere, The Murderer…). Le casting est particulièrement soigné dans The Strangers. Il faut également saluer la performance de la petite fille, Kim Hwan-hee, dont le jeu redoutable ne cesse de nous surprendre par la violence de son personnage qui contraste avec sa petite bouille de fille modèle. Il suffit de voir la scène de possession interprétée par Kim Hwan-hee pour prouver qu’elle est une véritable actrice. Cette scène et son jeu n’ont absolument rien à envier à l’Exorciste de William Friedkin.
The Strangers possède donc un atout plus qu’essentiel, la qualité de ses acteurs. Ils nous transmettent parfaitement les émotions nécessaires pour instaurer de nombreux twist à l’histoire. Mais, c’est bien là l’élément qui nous perturbe. Trop de Twists finit par nous lasser et la fin ne fait qu’alourdir le récit. On se sent suffisamment manipulé pour implorer l’arrivée de cette fin tardive. Si le scénario faisait preuve d’équilibre jusque là malgré un manque de finesse, il tombe peu à peu dans le rocambolesque. Au point que certains éléments ne semblent pas tenir la route.
Si le mal finit par triompher, le scénario vient (comme pour The Chaser) perturber notre moral et instaure l’inconfort chez le spectateur. Car, quel triomphe ! Dans ses propos, notre réalisateur tient un discours où le Mal vient de l’Homme. Son triomphe n’est dû qu’à la ténacité de l’homme à le réveiller. La religion, quelle qu’elle soit, n’est pas le cœur du propos. Il s’agit bien des vices de l’homme.
The Strangers prouve une nouvelle fois que Na Hong-Jin est désormais un réalisateur à suivre.
The Strangers à un impact important sur le public, il ouvre sa culture au spectateur. Le film ne se contente pas de faire un thriller ou un film dramatique et horrifique selon les normes nécessaires à son succès. Il impose un contexte et sa culture propre, il nous transporte dans des traditions ancestrales pleines de mystères et d’angoisse pour mieux nous faire basculer du réel au fantastique. Cette culture orientale côtoie l’occident avec brio. Face à une mondialisation et un système financier qui impose des critères cinématographiques. La Corée du Sud fait plus que jamais preuve d’audace et de caractère. Bien malheureux, le spectateur qui se refuse au cinéma sud-coréen !
88
10
NOTE
Informations
The Strangers
Titre original : Gok-seong
Réalisation : Hong-jin Na
Scénario : Hong-jin Na
Casting : Jun Kunimura, Jung-min Hwang, Do-won Kwak…
Pays d’origine : Corée du Sud
Genre : Thriller horrifique
Durée : 156 minutes
Date de sortie : 6 juillet 2016