Synopsis :
Lorsqu’un Boeing 777 atterrit à l’aéroport new yorkais JFK sans qu’aucun signe de vie n’en émane, Ephraïm Goodweather, un scientifique spécialisé dans les épidémies et les attaques biologiques, est dépêché sur les lieux. A l’intérieur de l’avion, il découvre que tous les passagers sont morts, probablement tués par un étrange virus ou… un monstre non identifié. L’homme fait alors équipe avec un ancien professeur, survivant de l’Holocauste, Abraham Setrakian. Ensemble, ils constituent un petit groupe qui devient rapidement le dernier espoir pour la survie de la race humaine. Des vampires transforment en effet petit à petit la civilisation en un gigantesque buffet. Le sang coule à flots et rien ne semble pouvoir les arrêter…
Critique :
The Strain, l’une des séries les plus attendues de l’été 2014, confirme l’attrait de la télévision américaine pour le genre horrifique, et particulièrement de la chaîne FX, déjà auteure de la populaire série American Horror Story. Mais The Strain confirme une autre tendance à l’œuvre, celle de l’incursion audiovisuelle de réalisateurs de cinéma prestigieux. Après Gus Van Sant (Boss), Martin Scorsese (Boardwalk Empire), ou plus récemment Steven Soderbergh avec The Knick (qui a réalisé l’intégralité des épisodes de la série), c’est au tour de Guillermo del Toro d’offrir ses services au petit écran. Cette intervention est d’autant plus légitime que The Strain est l’adaptation de la trilogie romanesque écrite par le réalisateur du Labyrinthe de Pan et l’écrivain Chuck Hogan. Toutefois, comme à l’accoutumée, cette participation est limitée, et les fans de del Toro devront se contenter du premier épisode réalisé par le maître du fantastique. Avec The Strain, FX frappe un grand coup, s’appuyant sur la puissance marketing et l’aura artistique de Guillermo del Toro. L’ambition de la série, revisiter le mythe du vampire en lui redonnant ses lettres de noblesse horrifiques (en réaction à la figure romantique que l’on retrouve si fréquemment dans le soap horrifique), est séduisante, mais la série est-elle en mesure de s’imposer dans le paysage horrifique audiovisuel et de rivaliser avec ses aînées déjà bien installées telles que The Walking Dead ou American Horror Story ?
La trilogie romanesque The Strain se prête particulièrement à une adaptation télévisée, d’autant plus que le projet avait été initialement pensé sous cette forme (ce n’est qu’après l’échec des négociations avec Fox que Guillermo del Toro a décidé de lancer l’écriture de son histoire). L’histoire et la structure de la série se veulent ainsi fidèle à l’œuvre romanesque : chaque saison devrait couvrir un tome (c’est notamment le cas de la première), à l’exception du dernier tome, qui pourrait donner lieu à plusieurs saisons. La décision a toutefois été prise de ne pas dépasser les 5 saisons, ce qui est de nature à rassurer les fans et à garantir la cohérence de l’adaptation audiovisuelle. Autre point positif, la série bénéfice d’un budget conséquent, notamment en ce qui concerne les effets spéciaux (500 000 dollars ont ainsi été alloués à la création des créatures, qui ont nécessité plus d’un an de travail). Ce soin apporté aux effets spéciaux et à la réalisation se fait sentir dès le pilote. La photographie est soignée et la première apparition du « Master » est saisissante. The Strain est ainsi visuellement au-dessus des standards visuels du genre (il suffit de repenser à la première saison d’American Horror Story). Mais cette qualité artistique dissimule difficilement les nombreuses faiblesses de la série, à commencer par le rythme scénaristique et le manque de profondeur des personnages.
Si le pilote gratifie le spectateur de deux moments gores marquants et réussis, la première partie de saison tarde à décoller et s’enlise dans une intrigue convenue et sans surprise. Elle pose longuement le contexte de l’intrigue, dont l’enjeu principal réside dans l’opposition entre le « Master » et ses subordonnés, qui œuvrent pour la propagation de l’épidémie vampirique, et le « Dr. Ephraïm Goodweather (non, il n’est pas présentateur météo…), accompagné notamment du mystérieux Abraham Setrakian, qui tentent d’endiguer cette épidémie. Cette première partie de saison vise à dévoiler la menace qui pèse sur la ville de New-York à travers la métamorphose (bien lente…) des quelques survivants de l’avion. Et c’est l’une des principales faiblesses de ce début de saison. Le spectateur comprend très rapidement que la menace est imminente et que les survivants sont en train de se métamorphoser, alors qu’il faut attendre la fin de l’épisode 3 pour que le dévoué Eph Goodweather découvre enfin qu’il ne s’agit peut-être pas d’une simple épidémie… L’ennui nous gagne rapidement, d’autant plus que la série s’attarde longuement sur la métamorphose de chaque survivant.
Cependant, afin de diversifier le récit, la série propose des intrigues périphériques mettant en scène des personnages qui ont ou auront un rôle à jouer dans la propagation/éradication de l’épidémie. On suit ainsi les aventures d’un dératiseur ou encore d’un ex-taulard mexicain souffrant d’un profond complexe d’Œdipe (il faudrait compter combien de fois il prononce « mama »…). Mais ces intrigues, autant que les personnages, sont plates et insipides, et ne font qu’installer une profonde lassitude. Le récit est par ailleurs plombé par le manque de caractérisation des personnages. Eph est englué dans une histoire sentimentale familiale sans intérêt. Sa collègue, Nora, fait quant à elle office de figurante et ne semble avoir pour fonction que de renforcer l’aspect « soap » de la série (elle est amoureuse d’Eph…). Setrakian, sorte de Van Hellsing polonais, est la vengeance incarnée et ne pense qu’à dégommer du vampire. Chaque personnage est ainsi sagement enfermé dans un archétype psychologique dont il ne sortira pas. Seul le personnage de Thomas Eichorst, lieutenant du « Master », tire son épingle du jeu (même si on n’échappe pas au cliché du gros méchant nazi), très justement incarné par le flegmatique Richard Sammel.
La seconde partie de la saison rattrape toutefois quelque peu ce début lénifiant. L’intrigue s’accélère et la série nous livre davantage d’informations sur certains personnages, principalement Setrakian et Eichorst. L’épidémie éclate au grand jour et l’action s’intensifie. On a ainsi droit à deux confrontations avec le « Master », qui se dévoile progressivement. Les pièces du puzzle commencent à se rassembler mais la série préserve toutefois quelques zones de mystère, notamment sur l’identité et l’histoire du « Master » (d’où vient-il ? Comment le tuer ?) et celle de la brigade vampire qui semble s’opposer à ce dernier. En outre, le rôle de l’ex-taulard mexicain, assez anecdotique dans cette saison, aura très certainement une place plus importante par la suite. Quelques pistes qui nous incitent à poursuivre cette série qui, à l’instar de The Walking Dead et American Horror Story, pourrait gagner en qualité au fil des épisodes.
La dernière réserve que l’on pourrait émettre concerne le traitement de la figure du vampire. The Strain a l’ambition de rompre avec l’image romantique du vampire que l’on retrouve dans la majorité des productions le mettant en scène (il suffit de penser à la tournure soap qu’a pris rapidement True Blood). A cet effet, Del Toro renoue avec les créatures de Blade 2, les goules. Mais le réalisateur mexicain introduit ici une dimension épidémiologique. C’est par contamination que la métamorphose s’opère. Le corps du vampire regorge de petits vers qui une fois au contact de la peau pénètrent dans l’organisme et contaminent l’hôte. Cette double dimension du vampire, à la fois créature mythique et épidémique, trouve une résonnance dans la dualité symbolique entre le Dr. Eph Goodweather et Setrakian, celle de la science et de la croyance. The Strain préserve tout de même certains éléments constitutifs du mythe du vampire, comme la faiblesse face à l’argent et au soleil. Mais cette nouvelle figure rompt avec l’identité sexuelle métaphorique du vampire traditionnel (les canines érectiles, le mélange des fluides…). Cette désexualisation est clairement marquée lorsque l’un des survivants de l’avion va perdre son sexe au cours de sa métamorphose (oui, il tombe…), dévoilant un pubis totalement lisse (bon certes, on peut rétorquer que les immenses langues des vampires c’est un peu phallique quand même…). L’aspect épidémiologique l’emporte ainsi sur le mythe, si bien que les vampires de The Strain sont par essence très proches d’autres créatures bien connues du genre, les zombies. En effet, à l’exception de quelques élus bénéficiant d’un statut privilégié, ces derniers n’ont pas de conscience et ne cherchent qu’à se repaître. Il suffit par ailleurs d’une simple égratignure pour être contaminé, tout comme une simple morsure de zombie. Cette ressemblance est d’autant plus frappante que certains épisodes reprennent la mécanique habituelle des films de zombies. L’épisode 8, au cours duquel les protagonistes sont enfermés dans une station essence, encerclés par une horde de vampires, semble ainsi tout droit sorti d’un film de Romero.
Cette première saison de The Strain apparaît décevante compte tenu des moyens mis en œuvre et du pilote alléchant. La principale qualité que l’on pensait avoir décelé au départ, à savoir la réalisation et les effets visuels, est toutefois progressivement balayée. Car The Strain est in fine une série lisse et aseptisée. Si lisse que l’on a parfois l’impression qu’il s’agit d’une série d’un network (la reconstitution du camp de concentration dans les flashbacks de Setrakian est d’une pauvreté artistique et historique déconcertante), n’étaient les quelques moments gores qui nous rappellent que nous sommes sur une chaîne câblée. The Strain est à l’image du visage du « Master », elle manque d’aspérité et finalement, déçoit.
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Chaîne d’origine : FX
Créateurs : Guillermo del Toro, Chuck Hogan
Acteurs : Corey Stoll, David Bradley, Mia Maestro…
Pays d’origine : États-Unis
Format : 42 min
Genre : Horreur, Fantastique, Thriller