Synopsis
Dans la sereine petite ville de Centerville, quelque chose cloche. La lune est omniprésente dans le ciel, la lumière du jour se manifeste à des horaires imprévisibles et les animaux commencent à avoir des comportements inhabituels. Personne ne sait vraiment pourquoi. Les nouvelles sont effrayantes et les scientifiques sont inquiets.
Critique
Quelle mouche radioactive a donc bien pu piquer Jim Jarmusch pour qu’il décide de non seulement réaliser une comédie zombiesque, mais également de la présenter au Festival de Cannes ? Certes, le réalisateur de Ghost dog avait déjà fait une brève incursion dans la mythologie horrifique en mettant en scène des protagonistes vampires dans Only lovers left alive, mais ce choix était surtout prétexte au déploiement d’une réflexion autour de la décadence du monde moderne. On était donc loin d’un hommage au genre. A contrario, The Dead Don’t Die est un film de genre assumé qui s’inscrit en droite ligne des films de Romero et des comédies à la Shaun of The Dead. Un parti-pris qui laisse toutefois poindre la crainte d’un énième hommage futile au sein d’un genre galvaudé.
On était en droit de s’attendre de la part d’un réalisateur aussi renommé à une œuvre créative et inspirante, qui revisite avec un regard neuf les codes et poncifs du genre. Rien de tout cela dans The Dead Don’t Die. Le film est, de manière incompréhensible, une comédie mollassonne et poussive qui, malgré son casting XXL, se complait dans une écriture paresseuse et sans éclat. Il faut toutefois reconnaître au film une qualité, celle de rappeler qu’à ses origines, le film de zombie est le vecteur d’un sous-texte et d’une contestation sociale. En 2019, ce n’est plus seulement la société de consommation qui est décriée et tournée en dérision, mais également l’aveuglement des hommes face aux bouleversements climatiques qui les condamnent à l’autodestruction (les deux sujets étant certes intrinsèquement liés). Le film donne ainsi le ton dès son prologue, lorsque l’on apprend que la terre s’est désaxée à la suite de forages et de fracturations hydrauliques au pôle nord, entraînant de nombreuses perturbations écologiques (comme les horaires jour/nuit). Mais la perturbation majeure et la plus funeste sera bien entendu la résurrection des morts.
A partir de ce pitch, Jim Jarmusch s’évertue à tisser une vague trame humoristique en mettant en scène différents personnages de la petite ville américaine baptisée Centerville. Si la présence au casting d’acteurs stars comme Bill Murray, Adam Driver ou Tilda Swinton, auraient pu laisser présager un divertissement horrifique jouissif et complètement WTF, il n’en est rien. La mécanique humoristique déployée repose principalement sur des références extra-diégétiques éculées et sur un comique de répétition lourdaud et peu inspiré, qui non seulement ne parvient pas à dérider les zygomatiques, mais finit à la longue par irriter. Tout le travail d’écriture, du développement de l’intrigue et des personnages, semble avoir été délaissé au profit d’un message politique et moralisateur asséné tout au long du film. Le film choque ainsi par sa littéralité, ce besoin d’expliciter à outrance, sous forme littéraire, là où un George Romero savait transmettre un message similaire par la psychologie des personnages et quelques clins d’œil (les attitudes des zombies).
L’objectif de Jim Jarmusch semble être de créer les conditions d’une situation implacable, d’une fatalité à laquelle les personnages ne peuvent échapper. En évoquant la fin du script dans l’une de ses conversations de routine avec Bill Muray, Adam Driver ne fait pas seulement référence à la fin du film auquel nous assistons, mais plus largement à celle de l’humanité, dont la fin inexorable semble être imminente. Cette mécanique tragique trouve sa plus belle illustration dans l’évolution des différents personnages. En effet, quelles que soient leurs actions, aucun ne pourra dévier de la trajectoire fixée. Même le personnage du geek, fan-boy spécialiste des films d’horreur, ne pourra échapper à son sort funeste. En contrepoint, le personnage extraterrestre incarné par Tilda Swinton fait figure de témoin passif et symbolique d’une humanité en voie d’extinction et incarne une forme de succession. A travers cette mécanique implacable, Jim Jarmusch semble nous dire qu’aucune force ni aucune sagesse ne peuvent désormais nous sauver de notre propre condamnation.
The Dead don’t die n’est donc ni un hommage ni une œuvre revisitant les codes du genre. Jim Jarmusch ne s’intéresse nullement aux films de zombies mais se contente d’exploiter grossièrement le genre pour véhiculer et asséner son homélie écologiste. Une très grosse déception.
33
10
NOTE
Informations
The Dead don't Die
Titre original : The Dead don’t Die
Réalisation : Jim Jarmusch
Scénario : Jim Jarmusch
Casting : Bill Murray, Adam Driver, Tom Waits…
Pays d’origine : Etats-Unis
Genre : zombie
Durée : 105 minutes
Date de sortie : 14 mai 2019