Au coeur de l'horreur

Replace

Synopsis

Kyra découvre un beau matin que son corps dont elle prend tant soin se recouvre de plus en plus de peaux mortes. Malgré tous ses efforts, rien ne semble stopper le phénomène, jusqu’au jour où elle découvre qu’elle peut régénérer sa peau à partir de celles d’autres personnes…

Critique

Le thème de l’immortalité irrigue le cinéma de genre depuis sa création, le plus souvent à travers des figures monstrueuses telles que le vampire ou le zombie. Cette association découle d’une approche ontologique. En reniant sa mortalité, l’individu renie par là-même son humanité et devient un non-humain ou un monstre. Mais cette transmutation s’applique-t-elle au personnage de Replace, Kyra, une jeune blonde au visage angélique qui cherche à préserver la jeunesse de sa peau?

Kyra, une jeune pianiste professionnelle, souffre de pertes de mémoire et est victime d’une maladie rare de la peau. Son épiderme se nécrose, formant des croûtes blanchâtres qui s’étendent sur tout son corps. Face à l’incompréhension du corps médical, Kyra adopte une méthode personnelle et cruelle : dépecer de jeunes femmes pour leur ôter des parties de leur peau, le corps de Kyra ayant la faculté d’assimiler à une vitesse prodigieuse une greffe de peau. Mais cette solution n’est que provisoire et Kyra devra sans cesse recourir à ce procédé si elle désire préserver sa jeunesse.

Ce premier film en anglais du réalisateur allemand Norbert Keil s’inscrit dans la plus pure tradition cronenbérienne par la fascination pour le corps et les symptômes de décomposition. Norbert Keil gratifie ainsi le spectateur de nombreux plans où Kyra s’arrache la peau, laissant sa chair à vif. Le réalisateur dissèque la texture de cette peau source de jouvence, jouant sur le contraste entre la peau sèche et nécrosée de Kyra et la peau lisse et plastique de ses victimes. A travers cette quête insensée, le réalisateur dénonce l’injonction d’éternelle beauté dont sont soumises les femmes. Un impératif social postulant un vieillissement inégal entre l’homme et la femme. Alors que les signes de vieillesse sont valorisés chez les hommes, véhiculant des valeurs telles que l’expérience, la maturité ou la sagesse, ils sont rejetés chez la femme et perçus comme les signes d’une décomposition inexorable (telle une denrée qui pourrit). L’approche du réalisateur est d’autant plus ironique que le diktat de l’industrie hollywoodienne est particulièrement intransigeant en la matière. D’où le recours désespéré et quasi-systématique à la chirurgie esthétique par les actrices hollywoodiennes qui, passé un certain âge, se retrouvent dans un no man’s land cinématographique, ne parvenant plus à trouver de rôles.

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Si Replace s’inscrit donc bien dans le genre horrifique, il emprunte également les codes d’autres genres, notamment de la science-fiction et du thriller. L’intrigue nous plonge en effet dans une atmosphère mystérieuse et entretient le suspense quant à la condition de Kyra : pourquoi est-elle victime de cette maladie? Pourquoi ses souvenirs sont-ils estompés? Cette atmosphère est renforcée par la photographie aux halos lumineux qui adoucit les contours, les rendant flous, et confère au film une dimension onirique (Kyra est-elle en train de rêver?). Ce choix esthétique se double d’une dichotomie chromatique introduite par le personnage de Sophia, la voisine de Kira. Cette dernière arbore en effet une chevelure à couleur de jais et des vêtements aux couleurs sombres (noirs le plus fréquemment), offrant un contrepoint au personnage de Kira (blondeur et vêtements clairs). En outre, la seule scène se déroulant dans son appartement est plongée dans la pénombre, par opposition à l’appartement de Kira, baigné de lumière et aux tons pastels. Ce contraste esthétique induit en conséquence des interrogations narratives : Sophia est-elle si bienveillante? Est-elle un ange gardien ou un ange de la mort?

Si l’issue semble être d’emblée funeste pour Kira, comme le symbolise les motifs en forme de spirale entourant sa porte d’entrée, le réalisateur opère un twist dans le dernier tiers du film, s’engageant davantage dans le registre de la science-fiction et du film d’action. C’est cette dernière partie qui rompt quelque peu l’harmonie et la poésie macabre de l’ensemble en jouant sur des codes éculés de série B. A cela s’ajoute quelques faiblesses et approximations visuelles tant pour les effets de maquillage, au rendu inégal et parfois peu convaincant, que pour la réalisation, parfois trop stylisée et abusant des lens flare. Il n’en demeure pas moins que Replace constitue une oeuvre rafrachissante qui explore des thématiques trop souvent délaissées au profit du sensationnalisme horrifique.

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5

10

Note

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5

Informations

Titre original : Replace

Réalisation : Norbert Keil

Scénario : Norbert Keil, Richard Stanley, Scarlett Amaris, Bernd Strack

Casting : Hugh Dancy, Mads Mikkelsen, Caroline Dhavernas, Laurence Fishburne, Gillian Anderson…

Pays d’origine : Allemagne, Canada

Genre : Thriller horrifique

Durée : 101 minutes

Date de sortie : 2 septembre 2017

Lien IMDB

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