Synopsis
Un soir, Meera abandonne son compagnon Arjun à une fête pour retourner à son bureau. Mais sur le chemin, elle est victime d’une agression. Elle s’échappe mais n’en demeure pas moins profondément traumatisée. Arjun décide alors d’organiser un séjour dans le désert pour que Meera et lui se changent les idées.
Critique
Après Ludo, c’est au tour de NH10 de représenter les couleurs de l’Inde, dans un style bien différent, malgré la parenté des problématiques qui parcourent les deux films. Alors que Ludo développait l’histoire d’un jeu maléfique sur fond de conflit générationnel, NH10 aborde les divisions sociales et morales qui divisent profondément le pays. Un sous-texte social qui donne de la profondeur à des films entendant dénoncer les clivages sociologiques de l’Inde. A cet égard, le genre horrifique paraît particulièrement adapté pour marquer les esprits, par sa dimension outrancière et l’exacerbation sanglante des conflits. NH10 est un survival sur fond de luttes des classes et fait écho à un autre film du genre, Eden Lake de James Watkins.
Arjun et Meera forment un couple de la haute société indienne à qui tout réussit. A l’occasion de l’anniversaire de Meera, ils décident de partir un week-end dans une villa située dans le désert. Sur le trajet, ils font halte dans un restaurant et assistent alors à une scène particulièrement brutale. Une femme et son compagnon sont traînés sur le parking et roués de coups par une demi-douzaine d’hommes. Alors qu’Arjun tente d’intervenir, il est violemment éconduit par le chef de la bande qui lui enjoint de ne pas se mêler de ses affaires familiales (la femme tabassée étant sa soeur). Arjun décidera, contre l’avis de Meera, de poursuivre ces hommes et déchaînera à son insu une course-poursuite mortelle…
NH10 pourrait être interprété comme la version indienne d’Eden Lake, tant les similitudes entre les deux oeuvres sont nombreuses. NH10 part également d’un conflit social entre un couple de bourgeois et des campagnards. C’est l’incompréhension mutuelle entre les deux groupes, incarnant deux classes sociales distinctes, qui va aboutir à une confrontation sanglante. Le réalisateur, Navdeep Singh, met ainsi en scène l’incommunicabilité entre les classes, dont la relation se résume à de la méfiance et du rejet (dans le meilleur des cas…). L’attaque dont est victime Meera au début du film (avant la confrontation avec le groupe de campagnards), alors qu’elle se rend au travail en voiture tard dans la nuit, introduit une première brèche dans la vie paisible de notre couple. Ces derniers prennent conscience de l’insécurité qui règne à New Delhi. Meera finira ainsi, sur l’insistance de son mari, par se procurer une arme à feu pour assurer sa défense. Dès lors, le contact avec les classes populaires sera marquée du sceau de la défiance.
Autre point commun avec Eden Lake, la colère et la haine qui habitent le chef des assaillants. L’homme fait preuve d’une agressivité épidermique et on sent que la moindre contrariété peut déchaîner un torrent de rage et de destruction. Ce trait de caractère est visible dès l’apparition du personnage, et le spectateur saisit d’emblée sa dangerosité et ressent une vive inquiétude face aux différentes interventions d’Arjun, qu’il sait vaines et dangereuses. Cependant, le réalisateur semble éviter de porter un jugement condescendant sur les classes populaires (même s’il entend dénoncer les valeurs rétrogrades qui les anime). C’est en effet la fierté qui pousse Arjun à s’interposer et à pourchasser le groupe après avoir subit un affront, celui d’avoir été frappé devant sa femme. La responsabilité de la confrontation incombe donc aux deux parties : d’un côté la méfiance de Meera et Arjun, de l’autre, le rejet par les classes populaires de toute autre forme de pensée et de code moral (le système de castes).
NH10 respecte à la lettre (un peu trop d’ailleurs) tous les codes du survival. Le film est toutefois moins violent que la majorité des productions du genre (et notamment d’Eden Lake). Techniquement, la réalisation se fait discrète et cède la place au récit et à l’action. La montée en tension entre le couple et le groupe d’hommes est efficace et bien menée. Si la seconde moitié du film souffre de longueurs, le dernier tiers parvient toutefois à relancer le rythme et offre une belle séquence d’empowerment féminin, symbole de l’émancipation et de la rébellion de Meera. La jeune femme est en effet victime d’une double agression sociale : envers sa classe et sa condition de femme, qui la prédestine à jouer un rôle subalterne dans cette société patriarcale. Malgré son diplôme, Meera doit faire constamment ses preuves, subit les remarques désobligeantes de ses collègues masculins et travaille plus que son mari. A la lutte des classes, s’ajoute donc une lutte des sexes, dans une société qui met à mort les femmes pour la moindre incartade (ici, la relation inter-castes).
Qu’apporte finalement NH10 par rapport à un Eden Lake parfaitement ciselé? Pas grand chose, si ce n’est un nouveau contexte social qui donne sens à cette réinterprétation indienne. Même si le film peut souffrir de la comparaison avec son homologue britannique, et n’est pas aussi rythmé, il ne démérite pas. Le réalisateur va bien au-delà du simple spectacle horrifique pour dénoncer, sous forme de survival, l’état explosif de la société indienne.
66
10
NOTE
Informations
NH10
Titre original : NH10
Réalisation : Navdeep Singh
Scénario : Sudip Sharma
Casting : Anushka Sharma, Ravi Beniwal, Siddharth Bharadwaj…
Pays d’origine : Inde
Genre : Survival
Durée : 115 minutes
Date de sortie : 13 mars 2015 (Inde)