Au coeur de l'horreur

Vibroby/Tetsuo (Étrange Festival)

Ce Vendredi 05 Septembre, j’entre dans cette salle obscure du Forum des Images et pénètre dans le monde décapant de Vibroboy (réalisé par Jan Kounen en 1994) suivie de Tetsuo (réalisé par Shinya Tsukamoto en 1989).
Car c’est aussi ça l’avantage de l’Étrange Festival, avoir la possibilité de regarder des films cultes. Ainsi, cela permet de parfaire sa culture, et ce, dans les meilleures conditions.

C’est donc le cas aujourd’hui avec une séance aussi atypique que mythique. Rappelons que cette année Jan Kounen (réalisateur éclectique au talent incontestable) fait partie des invités prestige du festival.

Ces deux œuvres programmés se réunissent par leur théme abordé (la mutation) et par un traitement hors du commun. Tetsuo a servi de référence à Jan Kounen pour la création de Vibroboy. Ils ont en commun cette transformation de l’homme en un monstre de métal fétichiste et sadomasochiste. Les deux films, à l’image de leurs personnages, développent une énergie insoutenable.

Critique Vibroboy :

Réalisateur : Jan Kounen

Acteurs : Michel Vuillermoz, Valerie Druguet, Dominique Bettenfeld…

Directeur Artistique : Marc Caro

Genre : Fantastique

Pays d’origine : Français

 

Vibroboy est un court-métrage d’à peu près 30 mn de délire et de grand n’importe quoi que l’on vous jette en pleine gueule.

Le film relate l’histoire de Léon, un mari macho facho ultraviolant. Celui-ci va vivre une transformation radicale et se muter après avoir malencontreusement cassé une statue aztèque rapportée par Francesca, revenue d’un voyage au Mexique. La statuette était destinée à son amie et voisine Brigitte, la femme de Léon.

Dès le début, Jan Kounen fait état de son talent de metteur en scène. Au programme : des plans à l’américaine et des mouvements vertigineux. Par exemple : la scène d’intro où dans une grotte aztèque, à l’aide d’une bougie, on ne voit que les visages dans le noir. Une scène suivie par un travelling filmant les jambes de Francesca jusque dans un vieux cabanon pourri servant de toilettes. Tout ça sous un rythme dynamique qui vous met en condition pour jouer de la montagne russe. Et ce n’est que le début…
Cette mise en scène est accentuée par un travail artistique étonnant. On salue la participation de Marc Caro qui a su développer avec brio l’univers du film. Le décor glauque est appuyé par un étalonnage très coloré et contrasté. Les comédiens sont bluffants et leur performance ne vous laissera pas indifférent. Tout comme leurs personnages que l’on pourrait qualifier de « cas sociaux » à l’intelligence douteuse. Ils vivent dans un terrain vague avec deux caravanes bien crados.

On regrette un peu les effets kitchs du gode et de l’orage qui vieillissent assez mal, même si on accepte l’idée. Les blagues sexuelles sont parfois un peu lourdes (c’est peut-être mon côté féminin qui ressort !). Même si cela s’inscrit tout à fait dans l’univers du film.

Que l’on aime ou que l’on n’aime pas, dans ce film complétement cinglé, il n’y a pas de justes milieus. On est en présence d’une œuvre surréaliste et qui témoigne d’un genre à part. Gore, frénétique et malsain. Le réalisateur s’amuse d’ailleurs avec quelques références à l’image (Par ex : Massacre à la Tronçonneuse). Un film gonzo à consommer sans modération.

NOTE : 7/10

Vibroboy

Critique Tetsuo :

Réalisateur : Shinya Tsukamoto

Acteurs : Tomoro Taguchi, Renji Ishibashi, Naomasa Musaka…

Genre : Épouvante Horreur, Expérimental, Drame, Fantastique

Pays d’origine : Japonais

 

Film expérimental réalisé par Shinya Tsukamoto, Tetsuo est aujourd’hui considéré comme l’un des tout premiers films de la tendance Cyberpunk.

Tetsuo : The Iron Man est le premier volet d’une trilogie sur Tokyo qui se poursuit par Tetsuo II : Body Hammer, sorti en 1992 et Tokyo Fist, sortie en 1995. Le réalisateur tournera Tetsuo III : The Bullet Man (2009) dans le plus grand secret.

Shinya Tsukamoto a joué dans ses propres films, mais également pour Takashi Miike dans Dead or Alive 2 ou encore Ichi The Killer. Le réalisateur aura mis deux ans pour tourner Tetsuo et finira seul le montage. Pionnier du mouvement Cyberpunk au Japon, il tire ses références chez Cronenberg (La Mouche, Vidéodrome) et chez William Gibson (écrivain américain de la culture Cyberpunk dans les années 80).
Bref, vous l’aurez compris, Shinya Tsukamoto est un véritable artiste qui s’inscrit dans un mouvement bien particulier.

Tetsuo est un film étonnant. Mêlant mutation de la chair et du métal, il évoque la transformation d’un homme en machine sexuelle et destructrice. Le film s’engage dans un mouvement prônant l’élévation de l’homme vers un autre monde via la fusion de sa chair à la technologie.

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Il y aurait tant à analyser sur Tetsuo qu’il me paraît vain de commencer. Cependant, je vais tenter de vous souligner les traits qui le caractérisent. La première claque que l’on prend est due à sa mise en scène surprenante et inventive. Tourné en Noir et Blanc en 16mm, le réalisateur nous happe par sa succession de plans en Stop Motion de fils de fer et de métal entassés dans les décharges. Cela renforce cette impression d’un monde envahit de metal organique. Le tout appuyé par un montage dynamique, ce qui donne au film une énergie haletante ne laissant aucun répit au spectateur. On est littéralement hypnotisé par ces images qui s’associent à une bande sonore au bruit de métal et de jet de fumée, mêlés de cris humains constants. L’idée que la mutation de l’homme se fait dans la douleur est loin d’être simplement suggérée.

Tetsuo nous emporte à bras le corps dans son univers destructeur. Cet effet des plus efficace va jusqu’à pousser le spectateur à regarder avec fascination des scènes de sexes, de meurtres et de combats issues d’une culture manga. Cet effet s’inspire à la fois de la culture Kaiju. Le titre Tetsuo est notamment une référence au manga Akira de Katsuhiro Ōtomo, qui a secoué le Japon dans les années 80.  Même si avec le recul le côté Power Rangers des scènes de combats m’ont un peu moins séduite, elles ont pour mérite d’appartenir à un registre singulier et témoignent d’une fureur incontestable.  L’esthétique de la mutation est à l’image des références du réalisateur. Le monstre en pleine mutation s’apparente à celle de La Mouche version ferrailles. Et cela commence d’entrée de jeu avec la première scène d’un homme qui s’entaille la jambe pour y introduire une barre métallique. On retrouve même un côté Kafkaïen avec ce personnage du bureaucrate amené malgré lui à se transformer en monstre malsain et repoussant.

Les rues de Tokyo filmé en Stop Motion lui confèrent une véritable présence graphique et lui rendent hommage. Le visage du deuxième personnage maquillé nous évoque les couleurs et les formes des masques Kabuki, une culture du théâtre propre au Japon. Bref, le film s’inspire d’une culture occidentale en parfaite osmose avec sa culture originelle Japonaise. C’est la force de ce film. Le réalisateur a su créer une œuvre réfléchit, qui s’inscrit dans un mouvement contemporain sans pour autant dénigrer sa propre culture.

Au delà d’un simple film, Testuo est une œuvre cinématographique qu’il faut voir et revoir. Transgressif et hypnotisant, il révèle la véritable nature de l’homme sous les traits d’une mutation organique. Les acteurs font une véritable performance. Shinya Tsukamoto utilise l’image comme médium à son expression.

NOTE : 8/10

*Il est évident que les notes concernant les films cultes n’engagent que l’équipe d’Au Cœur de l’Horreur. Elles n’enlèvent rien à la qualité intrinsèque des films qui restent toutefois des œuvres importantes. Des films à voir et à revoir sans modération !

 

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