Et c’est parti !
La 21ème édition de l’Étrange Festival est officiellement ouverte ! Ce jeudi 3 septembre à 19h, au Forum des Images à Paris, a eu lieu la cérémonie d’ouverture, toujours présentée par Frédéric Temps, le directeur du festival. L’Étrange Festival fait partie de ces évènements incontournables pour tous les fans de genre, et il le prouve par sa pérennité, la qualité et l’éclectisme des films sélectionnés. C’est donc avec enthousiasme que nous nous présentons dans la grande salle du Forum des Images pour savourer cette première projection.
Mais avant de s’immerger dans l’univers des films proposés, Frédéric Temps accueille sur scène l’homme à qui on a confié une “Carte Blanche” cette année (c’est-à-dire la possibilité de choisir une sélection de films à diffuser pendant le festival), Benoît Delépine. Eh oui, il s’agit bien de notre Michael Kael national, personnage phare de Groland. Mais Benoît Delépine est avant tout un réalisateur de talent qui manie l’humour noir et le cynisme avec dextérité, comme l’illustre le truculent long métrage Louise-Michel qu’il a co-réalisé avec son acolyte Gustave Kervern. C’est donc avec une aisance et un humour qui forcent le respect que l’homme nous présente sa sélection de 5 films (Norway of Life de Jens Lien, My Joy de Sergei Loznitsa, Tranquilou de Gérald Touillon, Pee-Wee Big Adventure de Tim Burton et Heavy Girl d’AxelRanisch). Celui-ci insiste sur le film de Tim Burton, Pee-Wee Big Adventure, qui est totalement passé inaperçu en France et qui apparemment (on ne l’a malheureusement toujours pas vu) est hilarant.
Comme chaque année, le festival aime introduire cette cérémonie par un court métrage, diffusé juste avant le film. L’oeuvre sélectionnée s’intitule Ghost Cell et nous avons eu la chance d’avoir une (brève) présentation par son jeune réalisateur, présent pour l’occasion, Antoine Delacharlery. Celui-ci tente de nous expliquer tant bien que mal la technique de 3d utilisée pour le rendu visuel de son film, dont les images ont été shootées en décors naturels. Le film est porté par une musique magnifique. Le sens du film nous échappe quelque peu, mais le graphisme est sublime et nous montre des images de Paris sous forme organique et microscopique. Une véritable atmosphère se dégage de ce court métrage hypnotisant.
On a également eu la chance d’avoir en notre compagnie le réalisateur (Simon Pummell) et les comédiens du long métrage présenté ce soir, Brand New-U. Après une projection nationale en Grande-Bretagne, Brand New-U s’offre une première internationale grâce à L’Étrange Festival. Après une courte présentation du film par son réalisateur, Frédéric Temps nous fait part de son enthousiasme et nous présente le film comme un bijou de science-fiction, loin de l’esbroufe caractéristique des productions hollywoodiennes du genre.
Critique de Brand New-U
Le synopsis : “Dans un Londres futuriste, Slater et Nadia subissent l’assaut d’un groupe d’intervention policière. Nadia est enlevée et Slater se retrouve seul avec le cadavre d’un de ses assaillants qui, une fois démasqués, s’avère être une version à l’identique de sa compagne”.
L’avis de Krueger
L’idée du film est malheureusement loin d’être novatrice et s’inspire de l’un des chefs d’œuvre de la science-fiction, l’Opération Diabolique de John Frankenheimer. On pense également au récent Renaissance qui vient de sortir au cinéma. A Brand New-U dépeint un monde futuriste où chacun peut opter pour une nouvelle vie et avoir l’opportunité d’un nouveau départ. Si le traitement de l’Opération Diabolique offrait de véritables surprises scénaristiques ainsi qu’une tension quasi-permanente, Brand New-U n’arrive jamais à dépasser ce concept de départ. Pire, on en vient à remettre en question l’intérêt d’une telle démarche par la société qui développe le concept tant la nouvelle vie proposée est dénuée de toute liberté.
Simon Pummell ne parvient aucunement à nous immerger dans son univers futuriste. Le film repose essentiellement sur la relation amoureuse entre nos deux protagonistes. Seulement, cette relation est retranscrite à l’aide de procédés stylistiques emplis de pathos, usant abusivement d’un flashback qui idéalise leur relation. Le tout accompagné d’une musique mélancolique à souhait. On perd rapidement le fil narratif et on pique du nez devant cette atmosphère pseudo-poétique. Simon Pummell tente de faire de beaux plans pour souligner l’aspect sentimental de son film. Malheureusement, la mise en scène reste superficielle et est bien loin d’atteindre la virtuosité d’un Wong Kar-wai avec 2046, dont on sent l’inspiration. Mais le plus navrant réside dans le rythme du film et le déroulement de l’intrigue.. Difficile de croire que le film ne dure qu’1h44… On a l’impression de regarder une vieille dame marcher en déambulateur pendant 1h30 (croyez-moi, il y a plus passionnant…). Non seulement le rythme est lent, trop lent, mais chaque séquence est entrecoupée par des effets de ralentis inutiles. Le réalisateur étale stérilement certaines séquences et on comprend rapidement qu’il n’a finalement pas grand chose à raconter et utilise juste la science-fiction comme un tremplin esthétique… Peut-on parler d’esbroufe ? Oui, sans hésitations…
Vous l’aurez compris, cette première projection de l’Étrange Festival est une grosse déception. Mais nous ne sommes pas dupes ! Nous savons pertinemment que ce n’est que le début et que le festival nous réserve de belles surprises. Alors à très vite !
L’avis de Tetsuo
La projection de Brand New-U a jeté un froid dans la grande salle du Forum des Images et divisé le public. Une bonne partie des spectateurs se sont en effet empressés de quitter la salle dès l’apparition des premières lignes du générique et ce, malgré la présence de l’équipe du film… D’autres, plus respectueux, sont restés pour applaudir le travail accompli par l’équipe. Une chose est sûre, Brand New-U est un film qui ne laisse pas indifférent et qui, par son approche artistique, peut tout autant emballer que décevoir le spectateur.
Simon Pummell privilégie très clairement la forme au détriment du fond (pour résumer grossièrement). Toute l’attention semble en effet avoir été mise sur l’esthétique et les effets visuels, au détriment de l’intrigue, qui s’effiloche à mesure que le film avance. On comprend donc pourquoi les amoureux de science-fiction peuvent se sentir trahis par un film qui ne fait au final qu’utiliser le genre en toile de fond, sans réellement l’investir. Tout le film tourne autour de la problématique de l’identité, dans un monde où celle-ci devient fluctuante et malléable, et se réduit à une base de données (physiques et psychologiques) que l’on peut reconfigurer indéfiniment. A aucun moment on ne sent un réel intérêt pour le genre, utilisé ici comme un prétexte pour dérouler toute une myriade de poncifs métaphoriques, allant des jeux de miroir à l’utilisation récurrente de formes en spirale. Autant de métaphores visuelles qui alourdissent le récit sans apporter la touche d’originalité et de créativité tant convoitée. Simon Pummell se contente de dépeindre un monde aseptisé et déshumanisé, rongé par l’uniformisation (les tours identiques dans lesquelles vivent les individus reconditionnés) et la transparence totalitaire (la surveillance des drones, les architectures composées essentiellement de vitres…). Un monde orwellien où les supports matériels des vies passées sont détruits, à la manière des mots dans les dictionnaires de 1984, pour supprimer définitivement les idées et les réalités auxquelles ils renvoient.
D’un point de vue scénaristique, on peut comprendre les mots de Frédéric Temps, rappelant que Brand New-U évite l’esbroufe. L’intrigue, même si elle laisse une grande place à l’interprétation, est en effet simple et épurée, à la différence des récits complexes et entremêlés que l’on retrouve souvent dans les films du genre. Néanmoins, cette approche scénaristique est contrebalancée par une démarche esthétique ampoulée, qui vire au final à l’esbroufe visuelle. Brand New-U n’en demeure pas moins un film “expérimental” qui explore de nombreux procédés visuels sans pour autant abandonner totalement le récit (ce qui arrive parfois dans des démarches formalistes), et mérite donc amplement sa place au sein de l’Etrange Festival. Reste à savoir si le film avait la carrure suffisante pour la cérémonie d’ouverture. c’est une autre question…