Synopsis
Un groupe d’amis décide de partir à l’aventure dans un lieu isolé connu sous le nom de « Charlie’s farm », une zone désertée qui a la réputation d’être maudite. De terribles événements se sont en effet déroulés il y a 30 ans, lorsque la famille occupant la ferme tuait et se repaissait des travailleurs et touristes s’aventurant sur leurs terres. La ferme, pourtant abandonnée depuis des années, est encore le théâtre d’étranges disparitions. La légende raconte que le fils des fermiers, Charlie, habiterait les lieux. Nos quatre protagonistes vont apprendre à leurs dépens que la légende n’est peut-être pas qu’un simple folklore local…
Critique
Les slashers originaux se comptent désormais sur les doigts de la main tant ces dernières années ont été marquées par des reboots ou prequel/sequel de franchises historiques (Vendredi 13, Halloween, Massacre à la Tronçonneuse…). Face à ce recyclage sans fin des oeuvres du passé, Charlie’s Farm ambitionnait de créer une nouvelle figure mythique du genre à la sauce australienne. Cette annonce était d’autant plus alléchante que le cinéma de genre australien nous a gratifié ces dernières années de plusieurs productions horrifiques de qualité. On pense bien évidemment au succès du diptyque Wolf Creek, devenu désormais un classique du genre (un troisième opus est en préparation, ainsi qu’une mini-série).
Charlie’s Farm s’inscrit dans la plus pure tradition du slasher et ne cache pas sa parenté avec Massacre à la Tronçonneuse, que ce soit dans le générique (images vieillies de coupures de journaux) ou la mise en scène d’une famille de dégénérés cannibales. Chris Sun, le jeune réalisateur, connaît parfaitement les codes du genre et va les reproduire à l’identique, utilisant les clichés du slasher comme autant de gimmicks et clins d’oeil adressés aux fans : l’étranger qui prévient les protagonistes du danger de leur expédition, les carcasses d’animaux jonchant le trajet, le tueur ayant vécu un épisode traumatisant durant son enfance… Charlie’s Farm ne révolutionne donc pas le genre, mais quelques innovations sont à souligner, comme le personnage de Charlie, qui ne porte pas de masque et se révèle, enfant comme adulte, sous son vrai visage. Le dénouement du film tente également une rupture brutale avec le schéma traditionnel du slasher, et laissera le spectateur cloué sur son siège. Une démarche déjà éprouvée avec Wolf Creek 2, qui offrait dans le même esprit un dénouement inattendu.
Une fois la mécanique meurtrière amorcée, Charlie’s Farm soutiendra la cadence sans fléchir le rythme. La plus grande force du film réside dans la mise en scène des meurtres, particulièrement gore et percutante. On assistera notamment à l’explosion d’un crâne sous le poids d’un tracteur, ou, dans une scène inspirée d’Hostel, à un sexe découpé à la machette et enfoncé dans la bouche de la pauvre victime. Une dimension grandguignolesque totalement assumée, incarnée par un tueur goguenard et pervers qui mérite amplement le sobriquet “d’attardé” qu’on lui a affublé dans son enfance (“retarded”). A la différence des figures mythiques du genre, les Michael Myers et autres Jason Voorhees, Charlie prend rarement ses victimes par surprise, préférant les provoquer et les narguer, et se délectant de la moindre souffrance infligée. Charlie est un tueur exubérant – trait de caractère rendu possible par l’absence de masque – à des années lumière des célèbres tueurs impassibles d’Halloween et de Vendredi 13 (Vas-y Jason, fais-nous un beau sourire pour voir !). Là encore, on sent l’influence de Wolf Creek et de la personnalité délurée de Mick Taylor, à la différence près que Charlie ne taquine pas verbalement ses victimes (en même temps il est débile…). Charlie’s Farm remplit donc en partie son contrat en offrant un slasher fun, explosif et sanglant.
Charlie’s Farm n’est pourtant pas exempt de défauts. L’introduction est laborieuse et il faudra attendre une bonne heure pour que la partie slasher démarre véritablement. L’intérêt du spectateur n’est maintenu jusque-là que par des flashbacks intermittents dévoilant les atrocités commises par la famille de Charlie. Des flashbacks forts réussis qui révèlent l’inspiration principale du réalisateur, la famille de Massacre à la Tronçonneuse (pour le cannibalisme) et Charles Manson (pour le physique du père). A cet égard, le réalisateur fait oeuvre de pédagogie à travers le personnage de Mélanie, qui admet ne pas connaître Charles Manson. C’est au personnage de Donkey qu’il revient de présenter l’homme comme l’un des plus grands serial killers de tous les temps. Chris Sun est conscient que les exactions commises par la “famille” Manson, dans les années 60-70, sont très probablement inconnues des jeunes spectateurs. Ce petit cours d’histoire criminologique permet ainsi de concilier un public de vétérans avertis et un public de jeunes et insouciants novices, nourrit au sein des productions Blumhouse qui ne s’embarrassent guère de jouer sur les références et allusions.
Si les scènes d’action sont dans l’ensemble réussies, quelques-unes manquent cruellement de rythme, comme le combat de Charlie contre un boxeur à la retraite. On pourrait également souligner certains comportements saugrenus, comme Donkey qui se présente devant Charlie, dans le plus simple appareil, pour lui demander de déguerpir. A titre personnel, je ferais pas le malin à poil devant un colosse de 2 mètres avec une machette à la main… Le casting n’est pas de haute volée et le jeu des acteurs laisse à désirer. On regrettera surtout le choix de Tara Reid dans le rôle principal. L’actrice, sur le déclin, a été particulièrement décriée ces dernières années pour son physique anorexique. Ce détail, qui pourrait sembler anodin, a pourtant une répercussion directe sur le déroulement et la crédibilité du film. L’actrice semble tellement affaiblie par son corps chétif que ses mouvements sont aussi vifs que ceux d’un zombie et ne parviennent pas à retranscrire à l’écran la décharge d’adrénaline éprouvée face à un danger de mort. Surtout, l’actrice est âgée de 39 ans, soit environ 10 de plus que les autres personnages. Difficile dans ces conditions d’adhérer au postulat du groupe de jeunes cherchant l’aventure, malgré la couche épaisse de maquillage destinée à lisser ses traits.
Charlie’s Farm est loin d’avoir eu l’effet explosif annoncé et ne fera très certainement pas date dans le sous-genre qu’est le slasher. Le film s’en tire toutefois honorablement par ses effets gores et comiques, sans sombrer dans le ridicule à la manière d’un Hatchet. Un pur divertissement, drôle et jouissif, porté par un jeune réalisateur prometteur, Chris Sun. Le cinéma de genre australien est décidément marqué par une fougue créatrice et rafraîchissante qui brise la monotonie de la plupart des productions américaines actuelles.
66
10
NOTE
Informations
Charlie's Farm
Titre original : Charlie’s Farm
Réalisation : Chris Sun
Scénario : Chris Sun
Casting : Kane Hodder, Bill Moseley, Tara Reid, Nathan Jones…
Pays d’origine : Australie
Genre : Slasher
Durée : 93 minutes
Date de sortie : 4 décembre 2014 (Australie)