Au coeur de l'horreur

ÇA

Synopsis

À Derry, dans le Maine, sept gamins ayant du mal à s’intégrer se sont regroupés au sein du « Club des Ratés ». Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l’école. Ils ont aussi en commun d’avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu’ils appellent « Ça »… Car depuis toujours, Derry est en proie à une créature qui émerge des égouts tous les 27 ans pour se nourrir des terreurs de ses victimes de choix : les enfants. Bien décidés à rester soudés, les Ratés tentent de surmonter leurs peurs pour enrayer un nouveau cycle meurtrier. Un cycle qui a commencé un jour de pluie lorsqu’un petit garçon poursuivant son bateau en papier s’est retrouvé face-à-face avec le Clown Grippe-Sou …

Deux critiques pour le prix d'une

Ca était très certainement le film horrifique le plus attendu de l’année. Il faut dire qu’en-dehors de la renommée de l’œuvre de Stephen King, et de son adaptation audiovisuelle devenue culte, les fans ont été régulièrement abreuvés ces derniers mois d’éléments en tous genres : dévoilement de l’apparence du clown, photos de tournage, teaser, bande-annonce…. La stratégie marketing a été irréprochable et a parfaitement su attiser la curiosité et l’attente des spectateurs. À l’heure où l’on écrit ces lignes, Ca est déjà le plus gros succès horrifique de tous les temps, détrônant L’Exorciste de William Friedkin. Bien entendu, ce succès commercial n’est pas gage de qualité et les retours spectateurs et critiques sont d’ailleurs particulièrement mitigés. Il était donc temps de faire le point. On vous offre deux critiques à la tonalité différente : l’une favorable, l’autre moins clémente et élogieuse.

Critique de Myers

Incontestablement une des sorties cinéma les plus attendues de cette rentrée, Andy Muschietti nous offre ici le remake d’un téléfilm ayant marqué toute une génération. Autant dire tout de suite que l’enjeu est de taille pour ce dernier. Et il faut admettre que Ça semble avoir réussi son pari en proposant certaines idées visuelles très intéressantes tout en restant sobre et efficace dans son traitement.

Ce qui doit être noté en premier est la capacité du film à s’adapter à notre époque actuelle ainsi qu’à ses attentes. Malgré le fait que ce long-métrage ne soit qu’un remake, Ça prend quelques libertés quant à l’histoire et c’est pertinent. La trame et les protagonistes restent les mêmes, mais le développement de l’intrigue ainsi que le dénouement ont pris une autre direction, plus moderne surtout, car certaines séquences tirées du premier Ça aurait pu facilement devenir kitsch et n’auraient jamais pu fonctionner aussi bien qu’avant. L’exemple le plus parlant est le pouvoir de Ça personnifiant les peurs paniques des enfants. Que ce soit dans le livre ou dans le téléfilm, ces différentes peurs se raccrochent de la culture de l’époque, c’est-à-dire les fifties. Dans les années 50, il était normal d’avoir peur d’une momie ou d’un loup-garou, mais réadapter cela aujourd’hui aurait classé automatiquement ce film au rang des nanars.

Les puristes risquent surtout de taper du poing sur la table concernant la confrontation finale entre Ça et les enfants n’ayant rien à voir avec le livre. Mais soyons réalistes. Aurions-nous préféré voir Ça, sous sa forme finale, transporter le héros dans une dimension parallèle (Macroverse), se dirigeant vers une sorte de lumière spectrale ? Et que ce dernier soit ensuite vaincu par la seule volonté de Bill, encouragé par une tortue, répétant inlassablement sa méthode pour ne pas bégayer ? Encore une fois, tout ne mérite pas d’être adapté littéralement. Et si certains n’en sont toujours pas convaincus alors qu’ils se penchent sur la vraie relation qu’avait Beverly avec chaque garçon du groupe dans le livre.

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En revanche, le détail que Muschietti n’aurait jamais dû changer est le clown en lui-même. Ce dernier était parfait dans le téléfilm et n’avait pas besoin de paraître menaçant pour provoquer l’effroi chez le spectateur. Cette manie aujourd’hui de prendre le public pour un enfant de cinq ans incapable de comprendre de lui-même ce qui doit faire peur ou non est vraiment agaçante. De plus, on voit aussi que le réalisateur surfe grossièrement sur la vague The Stranger Things, sans même souligner le fait qu’un des acteurs soit présent dans le casting, on distingue très facilement cette volonté de coller à l’esprit de la série. Et cela donne parfois l’impression de regarder Les Goonies en mode horrifique.

La mise en scène nous offre plusieurs idées visuelles intéressantes. Mention spéciale pour la femme du tableau ou la séquence de la salle de bain par exemple, ce genre de détails se détachant du téléfilm ou du livre donne vraiment du cachet à ce long-métrage. Même si certaines séquences sont parfois brut de décoffrage, comme celle du garage pour ne citer qu’elle, nous sommes rassurés sur cette volonté de proposer quelque chose de différent et de novateur. Bien évidemment, on n’échappe pas à plusieurs jumpscare téléphonés, mais certains moments ont su simplement installer un malaise pesant sans vouloir tomber dans la facilité du fameux jumpscare.

Il n’y a vraiment pas grand-chose à dire sur le casting qui a été vraiment bien dirigé. Du début à la fin, les acteurs ont su parfaitement incarner ces enfants à la fois sans défense, mais tellement humains. Les dialogues sont drôles en général et ne sont jamais trop décalés par rapport à l’histoire. Encore une fois, même si cela nous rappelle beaucoup The Stranger Things, au moins cette bande est vraiment attachante et les différents comiques de situation fonctionnent plutôt bien.

Ça reste un bon film dans son ensemble. Même s’il se montre maladroit à certains moments, ce ne serait pas vraiment honnête de ranger ce film uniquement dans la case des machines à sous. Il y a vraiment un désir de bien faire et de faire du neuf avec du vieux sans trop se détacher du téléfilm ou du livre. Le film arrive à se réinventer et colle très bien avec les exigences de notre époque.

Critique de Tetsuo

Plusieurs arguments plaident en faveur d’une réception modérée du film. ÇA est un film de studio et cela se ressent à l’image. Le résultat est propre, trop propre, sage et aseptisé. Ce constat est d’autant plus étonnant que cette version est nettement plus gore que son aînée télévisuelle des années 90. Dès la scène canonique de la première apparition du clown maléfique dans un caniveau, le remake donne le ton. Alors que dans la version téléfilm, la disparition de l’enfant est suggestive (l’enfant est happé dans le caniveau sans effusion de sang), elle est traitée ici de manière brutale : ÇA dévore le bras de l’enfant qui se tord de douleur sur l’asphalte. Une scène qui peut paraître particulièrement choquante dans la mesure où une telle souffrance infligée à un enfant est rare, même dans les films de genre. Paradoxalement, cette mise en scène gore ne se traduit pas par un effet de répulsion, mais s’inscrit au contraire dans une esthétique picturale. Le gore de ÇA ne provoque en effet aucun malaise ni aucun dégoût, mais apparaît comme une touche de couleur sanguinolente et inoffensive dans un cadre pictural coloré. ÇA met en scène une esthétisation du gore et les autres effets de maquillage participent pleinement de cette logique, à l’instar de l’apparition récurrente et fantasmagorique du lépreux – incarnant la peur viscérale de l’un des protagonistes – qui est tout autant plastiquement réussi qu’émotionnellement et psychologiquement inefficace. Cette esthétique a pour conséquence d’éroder l’atmosphère supposément angoissante du film (les jumpscares sont d’ailleurs inutiles). Un constat d’autant plus dommageable que la peur et l’angoisse sont les moteurs du clown maléfique, son énergie vitale.

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Ce remake n’est pourtant pas dénué de qualités. La durée exceptionnellement longue du film (pour un long-métrage de genre, 2h15) permet un développement consistant des différents protagonistes et des ressorts symboliques et psychanalytiques de l’histoire (ÇA étant l’incarnation du refoulé collectif, mais également le symbole de l’adulte dévorant littéralement l’enfant). Le groupe d’adolescents est particulièrement réussi, tant par le jeu des acteurs que par la volonté de développer pour chacun une personnalité et un passé singuliers (même si certains personnages sont étonnamment survolés comme le personnage du black). Étonnamment, on peut se demander si un format série n’aurait pas été plus adapté et n’aurait pas permis de développer davantage l’histoire et le passé de chaque personnage et de la ville de Derry. La réalisation est par ailleurs soignée et le réalisateur s’évertue à proposer des mises en scènes fantasmatiques créatives sur le modèle de la franchise de Freddy (la citation est d’ailleurs explicite dans le film puisque l’on aperçoit à l’affiche d’un cinéma Nightmare on Elm Street 5).

Ces quelques aspects positifs ne sauraient toutefois compenser sa dimension marketing et son inclination à surfer sur les tendances hypes du moment (références appuyées à Stranger Things, nostalgie des années 80…). ÇA n’est donc pas le hit attendu même s’il ne démérite pas tout au long de ces 2h. Le film ne séduira toutefois pas les amateurs de frissons et on demeure le plus souvent impassible face à ce défilé d’effets visuels formatés. Pas sûr que cette nouvelle mouture constituera une madeleine de Proust pour les jeunes générations, comme le fut la version des années 90.

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Note critique Myers

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Note critique Tetsuo

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Informations

Ca-Affiche

Titre original : It

Réalisation : Andy Muschietti

Scénario :  Chase Palmer, Cary Joji Fukunaga, Gary Dauberman

Casting : Bill Skarsgård, Jaeden Lieberher, Finn Wolfhard…

Genre : horreur

Durée : 135 minutes

Pays d’origine : États-Unis

Date de sortie : 20 septembre 2017

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