Synopsis
Perdu au fin fond du désert californien, un démarcheur cherche de nouveaux clients en passant de village en village. En vain. Alors que sa voiture tombe en panne et qu’un tueur rôde dans la région, il va découvrir l’hostilité de la population locale et sombrer peu à peu dans la paranoïa…
Critique de Tetsuo
Qui aurait pu imaginer que derrière ce film, tourné en anglais et aux Etats-Unis, se cachent un réalisateur et une équipe entièrement français, qui a eu l’audace et le courage de le réaliser en seulement 12 jours? C’est avec un enthousiasme rare et une solidarité conviviale que les membres de l’équipe sont venus nous présenter leur œuvre dans une salle comble et désireuse de découvrir ce film français. On aurait certes préféré que le film soit 100 % made in France, mais on comprend aisément les logiques d’une expatriation par la difficulté de tourner un film de genre dans notre irréductible village cinématographique gaulois. C’est toutefois sur le sol français et à l’Etrange Festival que Sam Was Here est projeté pour la première fois et ce choix n’est pas anodin. Le réalisateur, Christophe Deroo, n’a en effet pas caché son admiration pour l’Etrange Festival qu’il suit depuis plusieurs années. Cette première mondiale est donc une consécration pour le jeune réalisateur français dont c’est le premier long métrage.
La French Touch a encore frappé, mais parviendra-t-elle à faire la différence parmi la sélection fine du Festival (le film est d’ailleurs en compétition).
Attention cette critique contient des spoilers !
Sam est un commercial chargé de démarcher de nouveaux clients dans une zone aride et peu peuplée de Californie. Condamné à sillonner des routes désertes au volant de sa voiture et à faire du porte-à-porte, il se trouve confronté à une solitude pesante, ne parvenant pas à rencontrer le moindre habitant. Même le motel qui lui sert de gîte semble désespérément vide. Sam n’a que pour seul compagnon une émission de radio locale populiste, où l’animateur laisse librement ses auditeurs déverser leur bile en vitupérant contre les travers de la société actuelle et l’insécurité qui y règne. À travers l’émission, Sam apprend qu’un tueur en série est en cavale jusqu’à ce qu’il découvre qu’il est accusé d’être le meurtrier en question.
Sam Was Here débute comme un survival classique. Le spectateur s’attend naturellement à ce que le commercial isolé, finisse traqué par des locaux peu accueillants. Cependant, le film emprunte un tout autre chemin et se mue en film de conspiration dans lequel Sam sera pourchassé en étant accusé d’être le tueur en série qui sévit dans la région. Une tournure scénaristique étonnante qui rompt la monotonie d’un schéma scénaristique éculé. Mais là où le film innove, c’est dans son dénouement, enveloppé de mystère et sujet à moult interprétations. On peut invoquer ici, de manière non exhaustive, trois interprétations possibles. Sam est-il réellement un tueur sanguinaire ? Le spectateur est-il berné par la vision de Sam qui, pour certaines raisons psychologiques/mentales (schizophrénie) ne se souvient pas de ses actes passés? Ou alors, Sam Was Here est un film fantastique où Sam est la proie d’un monde surnaturel (l’enfer?) qui défie les logiques de la raison. La dernière interprétation pourrait tout simplement être métaphorique. Christophe Deroo chercherait dans ce cas de figure à signifier le pouvoir de manipulation des médias, celui de façonner l’opinion, à travers l’omniprésence de l’émission de radio qui désigne Sam comme un tueur et qui parvient à liguer l’ensemble des habitants contre lui. La scène où l’animateur apparaît de dos, utilisant différents artifices de montage audio pour donner l’illusion du vrai, accréditent cette interprétation. Il est d’ailleurs tentant d’esquisser un parallèle avec notre situation médiatique actuelle, où la communauté musulmane devient le coupable désigné des agissements d’une minorité. Mais peut-être que le film n’est rien de tout cela, ou tout cela à la fois. Une chose est sûre, Christophe Deroo n’enferme pas son film dans un schéma d’interprétation univoque et laisse libre cours à l’imagination du spectateur. Trop peut-être, ce qui est de nature à susciter une certaine frustration, tant l’épilogue est brutal et abscons.
On ne reprochera pas au réalisateur français d’avoir voulu jouer avec les codes et de transgresser les frontières des genres (thriller, fantastique, horreur…). Cependant, cette approche, qui singularise foncièrement le film, n’est pas suffisante pour maintenir l’intérêt du spectateur pendant ces courtes 75 minutes. Les deux tiers du film sont trop conventionnels et la chasse à l’homme bien mollassonne, accusant le faible budget du film. Visuellement, le film mise sur les grands espaces afin d’accentuer la solitude du personnage dans l’immensité de ce décor désertique, mais ce parti pris esthétique a pour corollaire de diluer l’action. Les scènes d’intérieur, quant à elles, manquent cruellement d’impact et les quelques passages horrifiques sont décevants. Une réalisation sage et convenue excepté quelques moments lynchéens qui renforcent le mystère de cette chambre d’hôtel macabre. Si l’atmosphère sonore sert le film en soulignant l’étrangeté du cadre, la bande-son (signée Christine) cède à la tendance hype (et désormais sacrément agaçante) de l’électro façon années 80.
Sam Was Here pourra laisser plus d’un spectateur perplexe. Le film a au moins le mérite de ne pas infantiliser le spectateur en le conduisant main dans la main jusqu’au dénouement. Le film mérite donc un second visionnage, plus attentif, pour tenter de dénouer les mystères disséminés tout au long du film. Un film audacieux qui pèche cependant par sa mollesse dans le cœur de l’action.
Critique de Sadako
Sam was here est le genre de film qui attire toute notre sympathie, que ce soit pour le film en lui-même et pour l’histoire de la création du projet. De jeunes français décident de produire et réaliser un film de genre alors que tout le monde tente de les dissuader. Cette dissuasion ne va pas arrêter ces passionnés, au contraire, cela leur donne mille raisons pour se battre et réussir à mettre sur pied le scénario ambitieux du réalisateur Christophe Deroo. Après avoir réuni l’argent nécessaire, ils partent tous à la conquête du désert américain pour le tournage de Sam Was Here. Ce qui donne pas mal de cachet au film et leur permet d’embaucher Rusty Joiner qui interprète à merveille son rôle.
Alors on ne peut que les encourager à poursuivre leurs envies de cinéma de genre avec cette “french fresh touch” !
Sam Was Here est un film bien réalisé, la lumière est belle, les images sont particulièrement soignées. Le tout réalisé avec un modeste budget : bravo. Même si je me serais passé des plans à base de drone. La nouvelle technologie fait des miracles avec peu de moyens.
(Chers réalisateurs du monde entier, le drone, c’est sympa ! Mais à force de le voir partout et à toutes les sauces, c’est comme la surdose de found footage : on en vomit !)
Malgré ce petit point fâcheux, les paysages arides posent parfaitement le cadre du film. On y voit une Amérique légèrement redneck et on aime ça.
Sam Was Here, intrigue par son univers mystérieux. Le scénario est assez habile pour déconnecter complètement le spectateur de tous repères et d’espace-temps. Simplement à force de faire mystérieux, ce même scénario s’embourbe dans une fin ouverte brouillon pour laisser le spectateur à sa propre interprétation. Sauf que, n’est pas Nolan qui veut ! Et le film abandonne son public lâchement dans le vide. Une fin ouverte, ça se maîtrise, les doubles lectures d’un film sont écrites comme des rênes conduisant un étalon fougueux. Hors, avec Sam Was Here, on avance à dos de chameau en pleine brume !
Parlons-en de cette fin dont les interprétations divergent : le personnage est en pleine folie et fantasme complètement ou est-il réellement la proie d’un psychopathe ? Il est vrai que le film aborde différent thèmes : la solitude, la manipulation de la société sur l’homme (Tu deviendras ce que la société t’ordonne d’être, et ce, jusqu’à persécution…), la justice par le peuple, etc.
Un détail, omis par de nombreuses critiques, semble essentiel à la compréhension du film : ce point rouge dont la lumière vient remplacer le soleil brûlant du désert. Ce point lumineux et acide se manifeste particulièrement lorsque Sam est observé, manipulé par Eddy (la voix dans la radio), mais aussi lors d’apparitions de violences comme lorsque Sam tue pour survivre. Il correspond parfaitement à celui d’une caméra ou au point lumineux d’un studio en plein enregistrement. Sam est donc épié, plus qu’un fantasme, il est réellement manipulé et la morale du film aborde le pouvoir des médias (radio, caméras, etc) sur notre société, au point de faire ressurgir toute violence. Est-ce là qu’une interprétation parmi d’autres ?
Sam Was Here possède un véritable potentiel et ravi les fans des films de genre des années 80 avec une BO digne des films de Carpenter. Avec un petit côté La Colline a des Yeux (personnages masqués), ou encore un brin de Wolf Creek dans ses influences (chasse à l’homme dans le désert). Ce potentiel est sans doute ce qui nous donne de l’affection pour Sam Was Here. Mais lorsque la frustration se mélange à la déception par un scénario trop fouillis, disons qu’on nous coupe l’herbe sous le pied !
C’est avec un gros encouragement que je salue l’équipe française prometteuse et responsable de la création du film !
5 65.5
10
Note de Tetsuo
Note de Sadako
Informations
Sam was Here
Titre original : Sam was Here
Réalisation : Christophe Deroo
Scénario : Christophe Deroo, Clement Tuffreau
Casting : Rusty Joiner, Sigrid La Chapelle, Rhoda Pell…
Genre : Survival
Durée : 75 minutes
Pays d’origine : France / États-Unis
Date de sortie : 6 avril 2017