Au coeur de l'horreur

The Neon Demon

Synopsis

Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d’autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté.

Critique

Avec Drive, Nicolas Winding Refn s’est imposé comme l’un des réalisateurs les plus prometteurs de sa génération. Bien évidemment, le talent du réalisateur danois n’est pas né avec ce succès mondial mais est décelable dès l’excellente trilogie Pusher, dont le style brut et réaliste s’inscrit dans le sillage du mouvement cinématographique du Dogme95 (dont Lars Von Trier est l’un des plus éminents représentants). Depuis quelques années, Nicolas Winding Refn évolue vers un cinéma esthétique aux couleurs chatoyantes et à la bande son électro. Et même si son film Only God Forgives a reçu un accueil timoré, le réalisateur danois n’a rien perdu de sa superbe. Avec The Neon Demon, Nicolas Winding Refn investit le film de genre et entend proposer “un film d’horreur sans horreur”. Si le film est quelque peu avare en effets sanguinolents, il n’en demeure pas moins un sincère et profond hommage au genre.

Le premier constat qui s’impose est la beauté et la maîtrise formelle du film. Le plan d’ouverture donne immédiatement le ton et nous immerge en quelques secondes dans une atmosphère à la beauté macabre. Une jeune femme blonde (Jesse) repose inerte sur un canapé, le bras ensanglanté, immortalisée sous le flash d’un photographe. La caméra s’éloigne petit à petit de Jesse, laissant découvrir dans un travelling arrière un appartement sombre et vide. Un mouvement qui fait coexister dans un même plan l’obscurité et la lumière, dévoilant ainsi le néant derrière l’apparat de ce décor illuminé et clinquant. Ce contraste de lumière, Nicolas Winding Refn l’utilisera tout au long du film, sans sombrer dans une dichotomie métaphorique. L’obscurité ne sera pas la seule source de menace, comme lorsque qu’une panthère tapie dans l’ombre fait irruption dans la chambre de Jesse. La lumière blanche éclatante, presque clinique des sessions photographiques, représente également une menace potentielle. Une lumière qui met les mannequins à nu, révélant les moindres aspérités et défauts, et les réduisant au simple statut de corps. La tension que parvient d’ailleurs à instaurer Nicolas Winding Refn lors de la première session photographique professionnelle de Jesse en fait l’une des meilleures scènes du film.

Nicolas Winding Refn alterne ainsi, parfois brutalement, entre des plans sombres et des plans à la luminosité éclatante. La réalisation incommode, sort le spectateur de sa passivité et de sa torpeur, le bousculant par des sons tonitruants ou des effets de lumière éblouissants et stroboscopiques. La richesse des contrastes est saisissante, notamment dans le traitement de la peau, entre celle laiteuse et juvénile de Jesse, et celle bronzée à l’allure photoshopée des mannequins de mode.

Car The Neon Demon est un film sur la chair. Nicolas Weding Refn, qui connaît parfaitement son sujet pour avoir réalisé plusieurs films publicitaires pour de grandes marques de luxe, présente un milieu où le mannequin femme-objet est réduit à sa corporalité. Seul importe l’enveloppe extérieure, comme le rappellera cyniquement un créateur de mode en vogue dans le film. Un regard qui pousse les mannequins à se lancer dans une surenchère chirurgicale et à parfaire chaque détail de leur corps. On retrouve ce rapport au corps à travers le personnage de Ruby, la maquilleuse des plateaux de mode, qui officie également dans des morgues pour rendre les cadavres plus présentables. Comme si le maquillage de plateau et celui des cadavres se confondaient dans une même activité d’embellissement de corps sans âme. Ce cynisme est cependant bousculé par une lueur d’espoir, celle de la fascination exercée par Jesse, dont la beauté naturelle éblouit et relègue au rang de papier glacé le corps factice de ses concurrentes. Vaine tentative de la mode de se renouveler et d’adopter d’autres canons esthétiques? Le dénouement du film semble confirmer l’inertie d’un secteur qui, malgré une attirance pour le naturel, semble dans l’incapacité de changer ses critères esthétiques. Le film se clôture d’ailleurs cyniquement sur une session photographique iconique qui incarne tous les travers actuels du secteur.

La force de The Neon Demon ne réside pas dans son propos, que certains taxeront de simpliste et convenu, mais dans le traitement visuel et esthétique du thème. Nicolas Winding Refn parvient à transmettre toutes les émotions et pensées des personnages à travers la composition des plans et les jeux sur la lumière et les textures. Une scène du film est d’ailleurs particulièrement représentative de ce dispositif filmique car elle révèle tout autant le talent artistique du réalisateur danois que sa capacité à faire avancer la narration visuellement. En une seule séquence, Nicolas Winding Refn parvient ainsi à transmettre le changement psychologique de Jesse lorsque cette dernière défile sous les projecteurs et se retrouve éblouie par une lumière hypnotique. Progressivement, son visage innocent se fige, cédant la place à un nouveau visage, plus dur et plus sûr. Un procédé stylistique osé qui prend le parti de l’ellipse brutale au détriment d’une psychologisation du personnage (instauration progressive du changement psychologique).

Face à une telle maîtrise, on pourra toutefois déplorer les quelques longueurs qui jalonnent le film, notamment après la première heure. Un résultat très certainement dû au redécoupage du scénario pendant le film (la séquence finale devant initialement se trouver au milieu du film). La fascination visuelle exercée finit par s’estomper et peut apparaître comme un artifice esthétique cachant difficilement la simplicité du propos et préparant une scène finale choc. Par ailleurs, le film se montre plus fébrile dans sa partie dialoguée, et les quelques personnages masculins sont inconsistants voire caricaturaux (le personnage du gérant de l’hôtel incarné par Keanu Reeves ou le créateur de mode).

Nicolas Winding Refn fait partie de ses virtuoses esthétiques, sorte de cinéaste plasticiens qui font de chaque plan une œuvre d’art, à la manière de Steve McQueen. Nul doute que le cinéaste, qui annonçait depuis plusieurs années sa volonté de tourner un film d’horreur, a contenté les fans de genre les plus exigeants. Avec The Neon Demon, Nicolas Winding Refn réussit là où de nombreux réalisateurs ont échoué, offrant une œuvre magnifique et ambitieuse, loin des canons et poncifs du genre.

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NOTE

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Informations

Affiche de The Neon Demon

Titre original : Nom du film

Réalisation : Nicolas Winding Refn

Scénario : Nicolas Winding Refn, Mary Laws, Polly Stenham

Casting : Elle Fanning, Christina Hendricks, Keanu Reeves

Pays d’origine : France / Danemark / Etats-Unis

Genre : Horreur

Durée : 117 minutes

Date de sortie : 8 juin 2016 (NBC, USA)

Lien IMDB

Lien Allocine

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1 commentaire

Cypress Green 22 juin 2016 at 19 h 15 min

Wawouw, une bien belle note, vivement que je puisse le voir (n’étant pas fan fan de ce réal je doutais un peu).
Allez-vous parler de The Witch ? Mon entourage est contrasté pour ce film (moi même je n’arrive pas à me faire une véritable opinion, j’attendrais pour un second visionnage), j’aimerai beaucoup avoir le votre. ^^

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